Fissures secheresse se defendre

Les fissures de maison

sos-litiges-58 Par Le 03/07/2023 0

Dans Assurances et mutuelles

Fissures : plus d’une maison sur deux est menacée par la sécheresse

Des milliers de propriétaires victimes de la sécheresse sont démunis face aux autorités et aux compagnies d’assurances. Notre enquête.

« J’ai constaté les premières lézardes à l’été 2019 alors que je ne parvenais presque plus à ouvrir ma porte d’entrée. Quelques mois plus tard, une importante fissure est apparue sur le mur. » Pour Thierry Paris, président de l’association CatNat Wannehain, sinistrés de la sécheresse des Hauts-de-France, comme pour nombre de propriétaires de maisons endommagées par la sécheresse, l’apparition des dégâts a marqué le début d’une longue série d’épreuves. Un parcours du combattant qui débouche souvent sur des impasses.

Premier écueil auquel sont confrontés les sinistrés : le refus des autorités de classer leur commune en état de catastrophe naturelle, prérequis pour espérer être indemnisé. Une grande partie des demandes formulées par les maires n’aboutissent pas. En 2021, par exemple, seulement 14,41 % des requêtes communales ont obtenu satisfaction !

Déclaré sinistré, mais pas forcément indemnisé

Quand leur commune obtient le précieux sésame, les sinistrés sont ensuite souvent contraints de livrer de dures batailles avec leur compagnie d’assurances. Pour qu’ils soient indemnisés, celle-ci doit en effet établir que les mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols sont bien la « cause déterminante » des dégâts. Or cette corrélation est fréquemment réfutée.

53 % des 196 000 déclarations de sinistres sécheresses effectuées entre 2015 et 2018 ont été classées sans suite, selon France Assureurs, la fédération des entreprises du secteur de l’assurance. Un rejet dû essentiellement à « l’absence de lien de causalité entre les dommages et la sécheresse ».

Les assureurs invoquent la fragilité des maisons

Dans la plupart des cas, les experts missionnés par les assurances invoquent d’autres raisons pour expliquer les fissures. Ils pointent souvent des problèmes de qualité dans la construction de l’habitation. Trop faible profondeur des fondations, absence de linteau ou de chaînage vertical (élément servant à solidariser les parois et les planchers), « comportement différentiel de matériaux hétérogènes »… autant de défauts qui entraîneraient une fragilité excessive de la structure.

Des demeures modernes seraient soupçonnées d’être moins solides que les anciennes. « Ma maison a 200 ans avec des murs robustes. Mais, en septembre 2019, elle a présenté des fissures, comme celles, bien plus récentes, de mes trois voisins », observe pourtant Philippe, du Val-Larrey, une commune de la Côte-d’Or.

 

Les propriétaires accusés de négligence

Les experts des assureurs mettent aussi en avant l’existence d’un environnement trop gourmand en eau qui assécherait le sol sous le bâti. Un facteur qui, selon eux, aurait pu être évité par le propriétaire. « On m’a reproché d’avoir des arbres plantés trop près de ma maison, se rappelle Nadège Bonnot, de Perrigny-lès-Dijon (21). En pompant l’eau avec leurs longues racines jusque sous la maison, ils seraient responsables d’un retrait excessif de l’argile à l’origine des fissures. »

Une autre cause invoquée est la présence d’un sol anormalement humide en raison, notamment, de fuites importantes au niveau du système de rejet des eaux usées. Mais ce sont parfois les mouvements de terrain dus à la sécheresse qui ont provoqué une dégradation des canalisations, sans que le propriétaire s’en soit rendu compte.

 

Seule une étude des sols peut lever les doutes

Les arguments avancés par les rapports d’expertise des assureurs sont d’ailleurs souvent contestés par d’autres experts, indépendants ceux-là, appelés à la rescousse par les sinistrés. Selon ces derniers, il peut s’agir de simples facteurs aggravants, mais pas la cause principale, qui reste la sécheresse et implique donc une indemnisation.

Les conclusions sont parfois contradictoires au sein d’un même cabinet d’experts. « Ma maison, construite en 1980, a commencé à se fissurer en 2003, puis à nouveau après la sécheresse de 2018, raconte Patricia. L’assurance a refusé les travaux, après le rapport de l’expert concluant que les dégâts étaient dus à un mouvement de charpente. Mais une deuxième expertise du même cabinet demandée par mes soins a, elle, confirmé que la sécheresse était bien la cause principale et préconisé un agrafage des fissures. »

Difficile dans ces conditions de faire confiance aux premières expertises des compagnies d’assurances, pourtant déterminantes pour la prise en charge des dommages. Voilà pourquoi nombre de sinistrés recourent à des contre-expertises s’appuyant sur des études de sol, même si cela leur engendre des frais importants allant de 4000 à 5000 €.

 

Une guerre d’usure entre assurés et assurances

Lorsque les sinistrés parviennent enfin à s’accorder avec leur compagnie d’assurances, la bataille n’est pas terminée pour autant. Les montants des réparations nécessaires sont parfois contestés par les compagnies. « Des travaux d’une valeur de 300 000 € ont été évalués, raconte Thierry Paris. Mais l’assurance ne veut régler que 221 200 €, déduction faite de la franchise et d’un coefficient de vétusté de 25 %. Or l’addition va être encore plus lourde pour moi puisque je vais aussi devoir vider ma maison et me reloger pendant les travaux, à mes frais. »

Il arrive aussi que des artisans mettent en doute les réparations prévues par l’assurance. « L’expert avait préconisé un simple agrafage des fissures, relate Patricia. Mais les artisans à qui j’ai demandé des devis ont refusé, indiquant que cela ne tiendrait qu’un temps. J’ai alors fait faire ma propre expertise, avec étude de sol cette fois, qui a conclu à la nécessité de travaux plus importants d’un montant de 160 000 €. Devant le refus de la compagnie d’assurances, j’ai pris un avocat qui demande la nomination d’un expert judiciaire. »

Ces échanges houleux avec les assurances, qui se règlent parfois devant les tribunaux, peuvent durer des années. « C’est une guerre d’usure, regrette Yves Moalic, de l’association Les Oubliés de la canicule. Les compagnies comptent sur les clients qui finissent par abandonner. Les sinistrés les plus pugnaces et “menaçants”, ceux qui prennent un avocat, ont plus de chances de finir par être indemnisés. »

 

En prime : stress, fatigue et dépression

Dommage collatéral de ces sinistres : une grande souffrance psychique, que constatent toutes les associations. « Parallèlement aux préjudices matériels, il y a d’importants dégâts psychologiques, témoigne Mohamed Benyahia, président de l’Association urgence maisons fissurées de la Sarthe (AUMF-Sarthe). Le stress et la fatigue, les périodes de dépression, les pertes d’emploi, les divorces… les sinistrés sont parfois désespérés. Ils se sentent abandonnés lorsque leur commune n’obtient pas le classement CatNat ou que leur assurance refuse de les indemniser. Après plusieurs années de combat perdu, des propriétaires sont obligés de continuer à vivre dans une maison prête à s’écrouler à tout moment. »

Pire encore, certains propriétaires sont contraints de quitter les lieux après un arrêté de péril, sans solution de relogement derrière. Les compagnies d’assurances refusant de prendre en charge les sinistres, leurs maisons sont invendables. Si le combat est difficile et chronophage, il existe heureusement des moyens de faire valoir ses droits pour éviter des situations dramatiques.

Source : 60 Millions de consommateurs 06/2023

 

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