Substances chimiques sale temps pour la sante et la nature

Pesticides réautorisés

sos-litiges-58 Par Le 06/02/2024 0

Dans Environnement

Substances chimiques, pesticides…

Sale temps pour la santé et la nature

Des pesticides réautorisés, une réforme de la réglementation sur les produits chimiques à l’arrêt… l’année 2023 s’est achevée sur une régression des mesures de protection de la santé et de l’environnement, en France comme en Europe.

Gueule de bois pour les défenseurs de l’environnement et de la santé… La fin de l’année 2023 a été marquée par une succession de mauvaises nouvelles. En novembre, la Commission européenne a réautorisé le glyphosate pour une durée de 10 ans – jusqu’à présent, il était renouvelé par tranches de 5 ans. Nouveau coup dur quelques jours plus tard : à la surprise générale, le Parlement européen a rejeté le règlement SUR, qui prévoyait de diminuer massivement l’emploi des produits phytosanitaires. Cette même assemblée avait pourtant décrété, en 2019, « l’urgence climatique », puis voté, en 2020, en faveur du Pacte vert pour l’Europe. Cet ambitieux plan de transition écologique visait à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à réduire les sources de pollution. Mais sur les 75 textes de loi prévus, seuls une trentaine d’entre eux ont été actés à ce jour, et divers amendements en ont largement affaibli certains.

 

Protéger les consommateurs ne semble plus la priorité

Le Parlement européen représente désormais un obstacle, alors qu’il s’agissait auparavant de la plus volontariste des trois institutions de l’Union (avec la Commission et le Conseil) sur ces problématiques. Divers secteurs industriels – l’agro-industrie, la plasturgie, etc. –, hostiles à toute entrave à leurs activités, ont mené un lobbying intense, et efficace, auprès des élus du Parti populaire européen (le PPE, groupe parlementaire de la droite conservatrice, auquel appartiennent Les Républicains). Ce dernier, avec l’appui de l’extrême droite, a fait dérailler le train législatif du Pacte vert.

Ces échecs s’ajoutent à d’autres reculs. Ainsi, la réforme de la réglementation Reach, lancée dans le sillage du Pacte vert, est en panne. Or, celle-ci sert à faire le ménage parmi les centaines de milliers de substances chimiques qui nous entourent. Parmi les progrès attendus, la possibilité d’interdire d’un bloc des familles de composés nocifs, comme les PFAS ou les bisphénols. Cette refonte devait être bouclée fin 2022 ; elle a été reportée à fin 2023, avant de disparaître du calendrier européen. Un « cadeau à la CDU » (parti allemand conservateur, membre du PPE) offert par la présidente de la Commission, l’Allemande Ursula von der Leyen, juge Pascal Canfin, eurodéputé (Renew) à la tête de la commission environnement du Parlement : « Von der Leyen a poursuivi l’agenda du Pacte vert malgré l’opposition croissante et quasi systématique de la CDU. Toutefois, elle a cédé sur Reach, je le regrette. » Un retard injustifiable, alors que l’exposition aux pollutions diverses est responsable de « plus de 10 % des cas de cancer en Europe », selon l’Agence européenne pour l’environnement (1).

Concernant l’agriculture, les digues de protection autour des nouveaux OGM, dits NTG (pour nouvelles techniques génomiques), risquent de sauter. Certains ne seraient pas soumis à traçabilité, d’après le projet de révision de la réglementation présenté en juillet par Bruxelles. Dès lors, impossible de les évaluer, de les tracer et de les étiqueter en tant qu’OGM. Pascal Canfin n’est pas contre les NTG, mais il note « des éléments inacceptables dans la proposition de la Commission », en particulier à propos des NTG résistants aux herbicides. « C’est exactement le modèle des OGM, cela va à l’encontre de la volonté de circonscrire l’usage des pesticides », estime-t-il. Le Parlement devrait voter le texte en février.

Espérons qu’un débat sérieux aura lieu. Car l’irrationnel semble régner. « De fausses informations ont été énoncées contre toutes les réglementations environnementales, regrette Camille Perrin, chargée des questions alimentaires au Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc). Par exemple, la loi de conservation de la nature ferait augmenter le prix des aliments, le Nutri-Score entraînerait davantage d’immigration provenant d’Afrique… Quelles que soient les études scientifiques présentées, elles n’ont apparemment aucun impact ! »

La succession des crises depuis quatre ans (covid, guerre en Ukraine, inflation) et la montée des populismes ont rendu la protection de l’environnement très impopulaire, et empêché l’Union de dérouler son Pacte vert comme prévu. La Commission n’a guère été aidée par les eurodéputés et les États membres, qui ont changé d’avis au gré des élections nationales. Que Choisir a déjà relaté les attaques incessantes contre le Nutri-Score de la part de fédérations de l’agroalimentaire et de plusieurs pays, l’Italie en tête. Les discours virulents contre le pictogramme ont contraint Bruxelles à temporiser, et le choix d’un affichage nutritionnel commun à l’Europe, prévu pour 2022 puis 2023, a fini au placard. Dommage que la France, pourtant à l’origine de cet indice, ne le défende que mollement. L’opposition des agriculteurs hexagonaux, au motif que le Nutri-Score note mal les fromages et les charcuteries, n’est sans doute pas innocente…

 

Un lobbying actif

Parallèlement, les lobbies sont montés au créneau. Le syndicat agricole FNSEA et son pendant européen, le Copa-Cogeca, ont brandi l’argument de la souveraineté alimentaire, afin d’éviter toute autre restriction des pesticides et des engrais. L’industrie chimique, elle, a mis en avant les nouvelles technologies nécessaires à la transition énergétique, pour échapper à des interdictions.

Heureusement, tout n’a pas été réduit à néant. « Il y a eu des avancées, notamment sur l’énergie et la mobilité bas carbone », souligne Camille Perrin. Plusieurs projets ont été adoptés, à l’instar de celui sur la restauration de la nature, même s’ils ont souvent été édulcorés. « Le bilan n’est pas complètement mauvais, concède François Veillerette, porte-parole de l’association environnementale Générations futures. De nombreuses dispositions sont néanmoins passées à la trappe, et le règlement SUR est en soins intensifs. Désormais, toutes les lois qui ne sont pas consensuelles auront du mal à passer. »

Il est peu probable que d’autres mesures soient prises dans les mois à venir. La présidence von der Leyen touche à sa fin, et les travaux parlementaires s’achèveront d’ici à quelques semaines, avant la campagne des élections européennes de juin 2024. Il faudra attendre la prochaine mandature pour faire aboutir – ou pas – les textes en suspens.

 

De nombreux reculs…

Environnement

  •  Glyphosate : réautorisé pour 10 ans
  •   Règlement SUR (réduction des pesticides) : rejeté
  •  Nouveaux OGM (projet) : fin de l’étiquetage et de la traçabilité
  •  Score environnemental des aliments (France) : retardé

Substances chimiques

  •  Renforcement de la réglementation Reach sur les produits chimiques : reporté sine die
  •  Interdiction des bisphénols et des PFAS (per- et polyfluoroalkylés) : toujours en négociation

Alimentation

  •  Nutri-Score : reporté sine die
  •  Systèmes alimentaires durables : reporté sine die
  •  Bien-être animal : reporté sine die

 

… Et quelques avancées

  •  Loi sur la restauration de la nature : votée de justesse, mais édulcorée
  •  Réforme du CLP (étiquetage des produits chimiques) : votée
  •  Paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 (1) » : adopté
  •  Règlement européen contre la déforestation : voté

 

(1) Réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

(1) « Beating cancer — the role of Europe’s environment », 28 juin 2022.

Source : UFC QUE CHOISIR 01/2024

 

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