Solidarite des dettes

Solidarité des dettes, jusqu'où ?

sos-litiges-58 Par Le 11/10/2021 0

Dans Famille

 

Dans certains cas, la loi prévoit que vous devez répondre des dettes contractées par votre moitié. Mais les créanciers peuvent-ils saisir vos biens personnels ? Comment échapper aux dettes d'un conjoint trop dépensier ? La réponse en quelques points.

Qui dit mariage dit solidarité dans le couple. Et c’est d’autant plus vrai pour le pacs que le législateur en a littéralement fait une composante de l’acronyme. En France, la loi oblige donc les ménages (à part les concubins) à faire preuve d’esprit de corps et de cohésion. Un beau principe, en général (re)découvert au pire moment : face aux dettes ou lors d’une séparation.

Que signifie « être solidaire » ?

Les couples mariés et pacsés sont automatiquement solidaires devant certaines dettes, quel que soit le régime matrimonial ou partenarial qu’ils aient choisi : séparatiste ou communautaire. « Cette solidarité est d’ordre public, ce qui signifie que les couples peuvent choisir éventuellement de l’augmenter par convention, en l’étendant à d’autres dettes que celles prévues par la loi et la jurisprudence, mais pas de l’éviter », explique Ariane de Guillenchmidt Guignot, avocate.

 Les effets de cette solidarité sont simples : le créancier (banque, bailleur, commerçant…) peut se retourner contre n’importe lequel des époux ou partenaires pour réclamer le paiement de l’intégralité de la dette. Il peut alors saisir les biens communs (s’ils existent), les salaires et biens propres de chacun. « Le créancier n’est pas obligé de diviser les poursuites contre chaque débiteur. Toutefois, dans les faits, il assignera les deux époux ou les deux pacsés pour être sûr de récupérer son dû », précise l’avocate.

Quels sont vos recours ?

Celui qui a payé l’intégralité d’une dette solidaire peut se retourner contre l’autre pour obtenir le remboursement de sa part, qui sera évaluée en fonction de ses capacités financières. Par ailleurs, si un conjoint a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs (vente du logement familial sans l’accord de l’autre, par exemple), l’acte peut être annulé pendant 2 ans à partir du jour où l’autre en a eu connaissance, et dans la limite de 2 ans après la dissolution de la communauté.


Que peut-on vous demander de payer intégralement ?

La solidarité légale s’applique en premier lieu aux dépenses qui ont trait à l’entretien du ménage et à l’entretien et l’éducation des enfants (habillement, santé, frais de scolarité, loisirs…). Il s’agit des dépenses de la vie courante, faites dans l’intérêt de la famille ou du couple : l’alimentation, l’ameublement, les factures de gaz, d’électricité, l’assurance habitation, etc. Quand le logement familial est loué, les époux et les partenaires sont aussi solidaires pour le paiement du loyer, jusqu’à la transcription du divorce en marge des actes d’état civil ou jusqu’à la rupture de leur pacte. « Si le logement a été acheté grâce à un emprunt, son remboursement, même en séparation de biens, est considéré comme une contribution aux charges du mariage », souligne Me de Guillenchmidt Guignot. De même pour les pacsés : il s’agit d’une contribution à l’aide matérielle réciproque. La solidarité en cas d’impayés s’impose donc.

Si vous utilisez un compte joint, vous en êtes aussi solidairement responsables. En cas d’incident de paiement, le banquier s’adressera indifféremment à chacun pour le régler. Enfin, époux et pacsés sont solidaires devant les dettes fiscales, pour régler l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’impôt sur le revenu, la taxe foncière quand ils sont tous deux propriétaires et la taxe d’habitation. En cas de redressement, le fisc peut poursuivre chacun des époux ou partenaires pendant 3 ans (voire 10, en cas de revenus sur un compte non déclaré à l’étranger, d’activités occultes…), même s’ils se sont séparés depuis. « Cette solidarité, qui s’étend aux pénalités et intérêts de retard, peut avoir des conséquences dramatiques. Vous pouvez vous retrouver à devoir payer intégralement la note d’un ex-conjoint, y compris pour des dettes fiscales d’origine professionnelle, comme des bénéfices non commerciaux non déclarés. Et votre bonne foi ne sera pas prise en compte par le pôle de recouvrement », alerte Paul Féral-Schuhl, avocat.

Où sont les limites de la solidarité ?

La solidarité ne joue pas en cas de dépenses « manifestement excessives » eu égard à leur utilité et au train de vie du ménage. Selon les circonstances, l’achat d’un écran plasma, d’un billet d’avion ou d’une voiture peut (ou non) poser problème : les juges apprécient ces critères au cas par cas. Pas de solidarité non plus pour les « achats à tempérament » (par paiement fractionné), ni pour les emprunts contractés par l’un des époux sans l’accord de l’autre (sauf s’ils portent sur des sommes modestes et sont nécessaires à la vie courante).

Si la dette d’un conjoint est considérée comme non solidaire (excessive ou non ménagère, comme une dette professionnelle), le créancier ne pourra pas saisir les salaires ni les biens propres de l’autre conjoint. Il pourra toutefois se servir sur les biens propres et les salaires du débiteur et, quand le couple est marié sous le régime légal, sur les biens communs.

Les concubins jouent en solo

A l’inverse de ce qui se passe pour les couples mariés ou pacsés, la loi ne crée pas de lien de droit entre les concubins. Ils ne sont pas automatiquement solidaires devant les dettes. Mais ils peuvent le devenir, comme n’importe qui, en signant ensemble un contrat dans lequel figure une clause de solidarité, comme un prêt immobilier, un cautionnement ou un contrat de bail. Dans ce cas, le créancier pourra demander à l’un des deux de payer l’intégralité de la dette (voir Location : une caution solidaire au centre d’un différend entre le bailleur, la locataire et la maman de son ex). ­Fiscalement, ils ne sont pas ­solidaires non plus. En matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI), le code général des impôts prévoit exceptionnellement une imposition commune pour les concubins notoires (art. 964). Mais ils n’en deviennent pas ­solidaires pour autant. Seul l’un des deux concubins déclare l’ensemble des revenus (BOI-PAT-IFI-20-10, § 120). En cas de difficultés ­de paiement, le fisc se retournera donc contre le seul déclarant.
 

Comment se protéger lorsque l’autre est trop dépensier ?

Quand les époux n’ont pas fait de contrat de mariage, ou que les partenaires ont opté pour une convention de pacs prérédigée, sans passer par le conseil d’un notaire ou d’un d’avocat, il n’est pas rare qu’ils se soient engagés sans avoir conscience de ce que signifiait la solidarité. Si tel est votre cas, vous pouvez encore changer de régime matrimonial ou partenarial, au profit d’un régime séparatiste. Vous pouvez aussi établir un budget familial, précisant la répartition des dépenses. « Cela n’empêchera pas le créancier de ne pas diviser les poursuites s’il le souhaite, mais cela permettra de déterminer les proportions de paiement et de préciser ce qui entre dans les dettes du ménage et ce qui n’y entre pas ; pour les dépenses autres que celles qui ont été qualifiées comme dettes du ménage par la jurisprudence », conseille Me de Guillenchmidt Guignot. Si vous avez un compte joint, pensez à fixer un plafond de découvert raisonnable.

Séparés, comment échapper aux dettes communes ?

Vous pouvez demander une désolidarisation à la banque si vous avez un prêt immobilier en cours (après reprise du prêt par votre ex ou par vous). Celle-ci est accordée en fonction de la situation financière du débiteur restant et de sa capacité à rembourser. En cas de dette fiscale, vous pouvez demander au fisc une « décharge de responsabilité solidaire ». « Trois conditions strictes doivent être réunies : une rupture de la vie commune, une disproportion marquée entre le montant de la dette et la situation financière et patrimoniale du demandeur, et un comportement fiscal irréprochable », indique Me Féral-Schuhl. En cas de refus, fréquent compte tenu du zèle dont fait souvent preuve l’administration dans l’appréciation de ces conditions, la seule option sera d’exercer un recours devant le tribunal administratif.

Engagés sans n’avoir rien signé

Pour faciliter le quotidien, chacun peut passer seul un certain nombre de contrats qui, pour autant, engagent l’autre. « 
Il s’agit, pour les pacsés, des contrats nécessaires aux besoins de la vie courante et, pour les mariés, de ceux nécessaires à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants », détaille François Gauthier, notaire. «
 Chacun peut aussi administrer les biens communs, gérer un bail d’habitation, voter à une assemblée de copropriétaires et vendre des objets communs ou acheter un bien, y compris immobilier, avec des fonds communs» 
C’est ce qu’on appelle la gestion concurrente. Toutefois, certains actes ne peuvent pas engager le couple s’ils ne sont pas réalisés à deux. On parle alors de gestion conjointe. C’est le cas pour faire une donation de bien commun, vendre un bien immobilier commun (le logement familial pour les couples mariés) ou certains biens spécifiques (bateau, aéronef). « 
Dans tous les cas, le notaire vérifie que celui qui signe l’acte a bien les pouvoirs pour le faire.

Références et textes de lois

 

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