Trop de mercure dans le thon en conserve

Mercure dans le thon

sos-litiges-58 Par Le 14/11/2024 0

Dans Santé et bien-être

Trop de mercure dans le thon : un vrai danger pour notre santé ?

Plus de la moitié des boîtes de thon analysées par l’association de défense des océans Bloom affichent une teneur en mercure supérieure à 0,3 mg/kg.

Dans une salade, un sandwich, des pâtes ou encore une quiche, quoi de plus facile que d’ouvrir une boîte de thon pour cuisiner sans perdre de temps ? Mais ce faisant, vous risquez fort de vous retrouver avec une substance peu ragoûtante dans vos plats : le méthylmercure. C’est ce que révèle une enquête de l’ONG Bloom, qui a fait analyser par un laboratoire indépendant 148 boîtes de conserve de thon achetées dans les dix plus grandes chaînes de supermarchés de cinq pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, France et Italie).

Verdict : tous ces produits sont contaminés par ce métal lourd toxique pour le système nerveux. « Plus d’une boîte testée sur deux (57 %) dépasse la limite maximale en mercure la plus stricte définie pour les poissons (0,3 mg/kg) », précise l’association de défense des océans dans son rapport intitulé Du poison dans le poisson. La palme de la contamination revient à une conserve de la marque Petit Navire achetée dans un Carrefour City parisien, qui affiche une teneur record de 3,9 milligrammes par kilo (mg/kg).

Les bébés sont moins protégés du mercure que les chiens

Or, même en faibles quantités, l’ingestion régulière de méthylmercure représente un risque pour la santé, « en particulier (mais pas uniquement) pour le développement cérébral des fœtus et des jeunes enfants », insiste Bloom. Et le thon est le poisson le plus vendu en Europe : les Français en consomment en moyenne 4,9 kg par personne chaque année. « La consommation de poisson constitue la principale source d’exposition alimentaire de l’être humain au méthylmercure », relève l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui recommande de « limiter la consommation de poissons prédateurs sauvages, susceptibles d’être fortement contaminés : thon, bonite, raie, dorade, loup (bar), lotte (baudroie), empereur, grenadier, flétan, sabre, brochet, etc. ».

En 2012, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) établissait qu’au moins 5 % de la population européenne dépassait la dose hebdomadaire tolérable de sécurité pour le méthylmercure, en particulier chez les enfants et adolescents. Le comble étant, pour Bloom, que les bébés sont moins protégés que les animaux de compagnie : « Les normes concernant le mercure sont plus strictes pour la pâtée pour chien (0,3 mg/kg) que pour les pots pour bébés (soumis à la même limite que pour les adultes, 1 mg/kg de poids frais pour les poissons prédateurs). »

Le thon, c’est (plus vraiment) bon ?

Faut-il alors bannir les conserves de thon de son panier ? Difficile à dire, tant les niveaux de contamination varient d’une boîte à l’autre. Par exemple, les résultats détaillés des analyses de Bloom montrent que la teneur en mercure dans du thon Petit Navire acheté chez un autre magasin Carrefour est de 0,33 mg/kg. Et les boîtes de la même marque achetées dans deux magasins Lidl de Lyon affichent respectivement des taux de 0,16 et 0,21 mg/kg. « Au cours des trois dernières années, nous avons réalisé 270 contrôles. Les résultats de ces contrôles n’ont jamais révélé de taux de mercure supérieurs aux normes européennes en vigueur et sont en moyenne compris entre 0,2 et 0,3 mg/kg, soit 70 à 80 % de moins que la limite autorisée », assure Petit Navire.

Nous avons demandé à Xavier Lefebvre, ingénieur agroalimentaire à l’Institut national de la consommation (INC, qui publie 60 Millions de consommateurs), de nous expliquer l’origine de tels écarts d’une boîte à l’autre : « Cela dépend de la zone de pêche (car la pollution n’est pas la même partout dans le monde), de l’espèce (germon, albacore…), et du poisson lui-même : plus il est âgé, plus il a eu le temps d’accumuler du mercure dans son organisme. » Le thon étant un prédateur, il ingère les métaux lourds présents dans ses proies et se retrouve ainsi bien plus contaminé en mercure que de plus petites espèces comme les sardines ou les anchois.

Des limites de mercure moins strictes pour le thon

Sur les 30 boîtes de thon que Bloom a fait analyser pour la France, achetées chez Lidl et Carrefour, trois dépassent le seuil réglementaire de 1 mg/kg qui encadre le taux de mercure dans le thon : celle de la marque Petit Navire, et deux boîtes de marque Carrefour achetées à Marseille. 12 autres dépassent celui des espèces soumises à la norme la plus restrictive de 0,3 mg/kg – le seuil de 1 mg/kg pour le thon est, en effet, trois fois plus élevé que celui d’autres espèces de poissons comme le cabillaud (0,3 mg/kg).

Cet écart entre les seuils n’est d’ailleurs justifié par aucune raison sanitaire, déplore Bloom, qui pointe le lobbying de l’industrie thonière. Au lieu de tenir compte des effets du mercure sur la santé des consommateurs, les pouvoirs publics européens « partent de la contamination réelle en mercure des thons pour établir un seuil qui assure la commercialisation de 95 % d’entre eux », fustige l’ONG qui va jusqu’à parler d’une « norme fixée pour être indépassable ». De plus, précise Bloom, le thon en boîte est deux à trois fois plus concentré que le thon frais, car la cuisson lui fait perdre de l’eau sans pour autant réduire la quantité de mercure.

Bloom appelle à bannir le thon des cantines et des hôpitaux

Or en France, « depuis 2023, aucun contrôle n’est prévu sur les conserves de thon, et moins d’une cinquantaine de thons frais sont analysés », souligne Bloom, qui dénonce la quasi-inexistence des contrôles sur la chaîne de production et de commercialisation. « Aux Seychelles, centre névralgique de la pêche thonière pour le marché européen, les autorités sanitaires se contentent d’une dizaine de tests chaque année pour garantir la conformité de millions de kilos de thon envoyés en Europe ! » De son côté, la Fédération française des industries d’aliments conservés (Fiac) assure que « l’ensemble des professionnels du secteur conduit préventivement et très régulièrement des centaines d’analyses chaque année, réalisées par ou avec le support de laboratoires indépendants et accrédités ».

Face aux résultats alarmants de son enquête, Bloom demande à la Commission européenne de s’aligner sur la teneur maximale de mercure de 0,3 mg/kg déjà en vigueur pour d’autres espèces, et aux États membres d’interdire la commercialisation des produits à base de thon dépassant ce seuil. Elle exhorte même les gouvernements et collectivités à « bannir des cantines scolaires, des crèches, des maisons de retraite, des maternités et des hôpitaux tous les produits contenant du thon ».

Source : 60 Millions de consommateurs 10/2024

 

 

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